Lettre ouverte au Préfet de la Région Ile-de-France



Un « plan migrants » qui génère de graves dérives dans le domaine de l’action sociale

Monsieur le Préfet,
Informées par l'un de ses membres, l’Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, les organisations de l’OEE (Observatoire de l’enfermement des étrangers) ainsi que le Réseau éducation sans frontières de l'Essonne (RESF 91) sont très préoccupées par les témoignages de maltraitance et de graves abus auxquels sont apparemment soumises les personnes prises en charge dans un centre d’hébergement d’urgence ouvert au 10 rue Galvani, à Massy, dans le cadre du « plan migrants ».

Cette prise en charge s’inscrit dans le cadre d’un dispositif national qui nous semble déroger aux principes généraux du code de l’action sociale et des familles, et notamment à la Charte des droits et libertés de la personne accueillie que les structures d’hébergement doivent respecter et dont l’État est le garant.

Nous vous demandons de vérifier en urgence les conditions dans lesquelles sont traitées les 70 personnes hébergées à Massy depuis novembre 2016 à la suite d'une évacuation d’un campement à Paris, qui semblent bien éloignées des recommandations contenues dans le Vade-mecum des gestionnaire de centres du 21 septembre 2016, diffusé par la préfecture de la région d'Ile-de-France dans le cadre du « plan migrants ». D'après les informations qui ont été portées à notre connaissance, les points suivants nous semblent mériter une attention particulière :

  • Prise en charge sociale totalement insuffisante pour des personnes nécessitant pourtant un accompagnement spécialisé (un travailleur social pour 70 personnes)

  • Absence d’écoute et de prise en compte des demandes des personnes hébergées, voire comportements dégradants, insultants et menaçants à leur encontre

  • Conditions matérielles d’hébergement peu appropriées à une prise en charge de longue durée (dortoir surpeuplé, sans intimité, douches froides, manque de chauffage, difficultés pour laver le linge…)

  • Aucune information donnée aux personnes sur leur devenir

D'après les dernières informations que nous avons reçues, des aménagements des locaux auraient été décidés en hâte par le gestionnaire, tels que la pose de cloisons, après que les protestations ont dépassé la seule enceinte du centre. On nous dit aussi que le centre s’apprêterait à augmenter sa capacité d'accueil pour atteindre le double du nombre de personnes actuellement hébergées.

Trois des personnes hébergées ont fait l’objet d’une fin de prise en charge alors qu’elles avaient protesté contre leurs conditions d’accueil et demandé le soutien d’associations et d’avocats. Le 1er février, la police a été appelée pour faire exécuter cette fin de prise en charge par le responsable du centre, au motif qu'elles auraient commis des actes de violence. Elles auraient précédemment subi une forme de chantage leur intimant de se taire si elles ne voulaient pas être renvoyées dans un autre pays européen sur la base du règlement Dublin. Placées en garde-à-vue, elles ont été relâchées peu après mais sont convoquées au commissariat le 16 février. Elles sont aujourd'hui privées de prise en charge dans le cadre du « plan migrants ».

Vos services, ainsi que l'OFII, ont été alertés à plusieurs reprises par les personnes hébergées dans ce centre et par des réseaux associatifs d'une situation qui va bien au-delà du dysfonctionnement occasionnel. Rien ne semble changer, malgré le temps qui passe. Il est urgent d'intervenir.

Ces événements graves doivent conduire à une enquête et au relogement immédiat dans des conditions dignes des personnes concernées.

La situation du CHUM de Massy est symptomatique d'un plan d’accueil des migrants mis en œuvre à la hâte et qui, trop souvent, ne respecte pas les principes du code de l’action sociale et des familles. Le suivi des opérateurs et des conditions d’accueil des migrants ne semble pas à la hauteur des besoins essentiels de ce public particulièrement vulnérable, ce qui crée des tensions et est propice aux dérives constatées à Massy. D’autres exemples montrent que ces manquements peuvent avoir des conséquences dramatiques . Ainsi, dans la Marne, un jeune Malien s’est tué en se jetant du 8è étage du foyer où il était hébergé, dans lequel aucun éducateur ou travailleur social n'était présent : il craignait, semble-t-il, d’être expulsé.

Au-delà de la dénonciation de faits tragiques, nos organisations demandent à ce que les lieux d’hébergement du « plan migrants » ne servent pas à mettre en œuvre une politique de contrôle qui tendrait à faciliter les expulsions, à enfermer les migrants dans des centres de rétention administrative et surtout à porter atteinte aux droits et à la dignité des personnes.

Veuillez croire, Monsieur le Préfet, à nos sincères salutations.