La prochaine réunion de l'OEE aura lieu le 2 avril 2012 à 18 h dans les locaux de la Ligue des Droits de l'Homme (Métro : Lamarck-Caulaincourt (Ligne 12) 138 rue Marcadet, 75018 Paris).
Droit de visite, droit de regard de la société civile dans les lieux de rétention ?
La prochaine réunion publique de l'OEE portera sur l’accès des associations aux lieux d’enfermement des étrangers. C’est un appel à débat et à réflexion collective que lance l'OEE, en perspective de l'adoption d'une plateforme commune de revendications.
Contexte :
En application de la directive retour (n°2008/115/CE) qui prévoit la « possibilité de visite par des organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales » (voir les références ci-dessous), un décret n°2011-820 du 8 juillet 2011, pris pour l’application de la loi n°2011-672 du 16 juin 2011, dite loi BESSON, dans son article 18 (voir références), entend organiser les conditions d’accès des « associations humanitaires » aux lieux de rétention.
Huit associations membres de l’OEE ont décidé de se joindre au recours du Gisti en annulation de ce décret devant le Conseil d’État, notamment parce que les modalités de ce « droit d’accès », telles qu’elles y sont organisées, sont restrictives et discutables dans leurs justifications.
Au-delà de la controverse juridique, les questions qui se posent sont celles du principe d’un droit de regard de la société civile sur les lieux d’enfermement des étrangers et des conditions de mise en œuvre d’un tel principe. Et plus largement la question des dynamiques des organisations et des citoyens mobilisés ainsi que des droits et des possibilités d’action des étrangers enfermés.
En substance, le décret prévoit, en effet, un système d’habilitation des associations (et d’agrément de leurs représentants) assez proche de ce qui existe aujourd'hui pour l'accès aux zones d’attente (aux frontières). Il ouvre donc la possibilité nouvelle à des associations « habilitées » – autres que celles qui interviennent déjà en rétention dans un cadre contractuel - d’entrer officiellement dans les centres de rétention et de pouvoir ainsi témoigner de ce qu’elles y verront, entendront, observeront des conditions de vie des retenus, de leur accès aux droits, du respect de leurs droits.
Certains d’entre nous y voient un progrès vers la transparence. D’autres redoutent qu’un système d’habilitation ne conduise à entraver l’exercice des interventions et visites jusqu’alors menées par des militants, organisés ou non au sein d’observatoires citoyens. La question se pose également de l’utilité de cette entrée de la société civile dans les lieux de rétention et des témoignages associatifs alors que, depuis 2008, existe un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) et depuis de nombreuses années une, puis des associations présentes dans le cadre d’un marché public. D’autres, enfin, s’interrogent sur l’opportunité de considérer un droit d’accès, une présence permanente et des actions totalement extérieures de la société civile, et sur la meilleure manière de jouer la complémentarité des actions des associations, des avocats et des groupes citoyens.
Le débat est loin d’être tranché au sein de l’Observatoire et c’est donc pour en envisager toutes les dimensions et poser les termes d’une revendication politique commune sur la nature, la forme et la portée d’un regard de la société civile sur les lieux d’enfermement des étrangers que l’OEE propose cette réunion de réflexion le 2 avril prochain.
Le débat sera introduit par des membres de l'OEE qui exprimeront ces différentes approches.
RÉFÉRENCES CITÉES
1. Directive n° 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dispose,
Article 16
Conditions de rétention
1. La rétention s’effectue en règle générale dans des centres de rétention spécialisés. Lorsqu’un État membre ne peut les placer dans un centre de rétention spécialisé et doit les placer dans un établissement pénitentiaire, les ressortissants de pays tiers placés en rétention sont séparés des prisonniers de droit commun.
2. Les ressortissants de pays tiers placés en rétention sont autorisés — à leur demande — à entrer en contact en temps utile avec leurs représentants légaux, les membres de leur famille et les autorités consulaires compétentes.
3. Une attention particulière est accordée à la situation des personnes vulnérables. Les soins médicaux d’urgence et le traitement indispensable des maladies sont assurés.
4. Les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes ont la possibilité de visiter les centres de rétention visés au paragraphe 1, dans la mesure où ils sont utilisés pour la rétention de ressortissants de pays tiers conformément au présent chapitre. Ces visites peuvent être soumises à une autorisation.
5. Les ressortissants de pays tiers placés en rétention se voient communiquer systématiquement des informations expliquant le règlement des lieux et énonçant leurs droits et leurs devoirs. Ces informations portent notamment sur leur droit, conformément au droit national, de contacter les organisations et instances visées au paragraphe 4. »
2. Décret n°2011-820 du 8 juillet 2011 :
Article 18
« Après la section 2 bis du chapitre III du titre V du livre V, il est inséré une section 2 ter ainsi rédigée :
« Section 2 ter
« Accès des associations humanitaires aux lieux de rétention
« Art. R. 553-14-4. - Les associations humanitaires ont accès, dans les conditions fixées par la présente section, aux lieux de rétention.
« Cet accès ne doit pas entraver le fonctionnement du lieu de rétention et les activités qu’y exercent les services de l’Etat et les personnes morales mentionnés à l’article R. 553-14.
« Il s’exerce dans le respect des opinions politiques, philosophiques ou religieuses des étrangers retenus.
« Art. R. 553-14-5. - Le ministre chargé de l’immigration fixe la liste des associations habilitées à proposer des représentants en vue d’accéder aux lieux de rétention dans les conditions fixées par la présente section.
« L’habilitation ne peut être sollicitée que par des associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq années et proposant par leurs statuts la défense des étrangers, la défense des droits de l’homme ou l’assistance médicale et sociale. Cette habilitation ne peut être sollicitée par les associations ayant conclu une convention en application de l’article R. 553-14.
« Tout refus d’habilitation doit être motivé au regard notamment du nombre d’associations déjà habilitées.
« L’habilitation est accordée pour une durée de trois ans. Elle est renouvelable pour la même durée.
« Le ministre chargé de l’immigration peut, par décision motivée, retirer l’habilitation d’une association.
« Art. R. 553-14-6. - L’accès des représentants des associations habilitées à accéder aux lieux de rétention est subordonné à un agrément individuel accordé pour une durée d’un an par le ministre chargé de l’immigration.
« Cet agrément, qui est renouvelable, peut être accordé à cinq personnes par association. Il entraîne la délivrance d’une carte nominative permettant d’obtenir, lors de chaque visite, une autorisation d’accès au lieu de rétention.
« Une même personne ne peut recevoir qu’un agrément.
« Le ministre chargé de l’immigration peut retirer, par décision motivée, l’agrément délivré à un représentant d’une association.
« L’agrément d’un représentant d’une association est retiré sur demande de celle-ci ou lorsque l’habilitation de l’association a été retirée ou a expiré.
« Art. R. 553-14-7. - Les représentants agréés d’une association peuvent s’entretenir avec le chef de centre ou le responsable du local de rétention et, lorsqu’ils sont présents, avec les agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration ainsi qu’avec les représentants agréés des associations ayant conclu la convention prévue à l’article R. 553-14 pour permettre l’exercice effectif des droits des étrangers.
« L’autorisation de s’entretenir confidentiellement avec les personnes retenues dans ces lieux ne peut être refusée que pour des motifs tirés des exigences mentionnées au deuxième alinéa de l’article R. 553-14-4.
« Les représentants de plusieurs associations habilitées ne peuvent accéder le même jour au même lieu de rétention.
« Lorsque les représentants agréés d’une association exercent leur droit de visite, ils informent au préalable au moins vingt-quatre heures à l’avance le chef de centre ou le responsable du local de rétention et conviennent avec lui des modalités pratiques de leur visite.
« Art. R. 553-14-8. - Une réunion est organisée annuellement sur le fonctionnement des lieux de rétention à l’initiative du ministre chargé de l’immigration, avec les présidents des associations habilitées, leurs représentants agréés et les services de l’Etat concernés. Le compte rendu de cette réunion, établi conjointement, est rendu public. »