3 août 2021
Révoltes dans les centres de rétention : le gouvernement jette de l'huile sur le feu
Le mouvement de révolte qui a éclaté ces derniers jours au CRA (centre de rétention administrative) du Mesnil Amelot met une nouvelle fois en lumière les conditions désastreuses dans lesquelles des personnes étrangères, à qui on reproche seulement d’être dépourvues de documents de séjour, sont enfermées dans ces lieux de privation de liberté. Des conditions qui ont empiré avec la crise sanitaire, notamment depuis l’automne 2020. La seule réponse à la légitime révolte de ces personnes a été une répression violente par les forces de police.
Les tensions se sont encore aggravées depuis que l’administration oblige les personnes en instance d’éloignement à subir un test PCR afin de pouvoir les expulser vers les pays qui exigent un test négatif pour entrer sur leur territoire. Celles qui refusent sont placées en garde à vue à la fin de la période de rétention et souvent condamnées à de lourdes peines de prison pour avoir fait obstacle à leur propre expulsion. Après avoir purgé leur peine, elles sont renvoyées en CRA et un cycle infernal CRA/prison/CRA/… s’engage alors pour nombre d’entre elles. Pourtant, ces condamnations sont contraires à la loi.
En effet, comme l’ont souligné les associations rassemblées dans l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) dès le mois de septembre 2020, « le refus de se faire tester n’entre pas dans la définition du délit décrit et sanctionné par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers (Ceseda) » et le Code civil comme le Code de la santé publique interdisent « qu’un acte médical, a fortiori invasif comme c’est le cas des tests Covid, soit pratiqué sans le consentement de la personne ».[1]
La contrôleuse des lieux de privation de liberté vient de le rappeler, « il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale. Toute personne, quelle que soit sa situation, peut librement s’opposer à un acte médical. L’exercice d’une liberté fondamentale ne saurait être qualifiée de délit, ni faire l’objet de poursuites et d’emprisonnement ferme. »
Or, les personnes retenues n’ont pas réellement d’alternative puisqu’elles doivent choisir entre deux risques tout aussi insupportables pour elles : être poursuivies pénalement si elles refusent le test ou être expulsées si elles l’acceptent.
Bien plus, le gouvernement vient de faire voter à la sauvette, dans le cadre du projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, un amendement tendant à contourner les décisions rendues par plusieurs tribunaux qui, sur la base de ces principes, ont refusé de condamner les personnes poursuivies pour ces refus de tests. Si elle n’est pas censurée par le Conseil constitutionnel, cette disposition complétera l’article 824-9 du Ceseda en permettant de condamner à une peine de trois ans de prison tout étranger refusant « de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l’exécution d’office de la mesure dont il fait l’objet ».
Les associations rassemblées dans l’OEE dénoncent cette manœuvre, dont les conséquences ne pourront qu’accroître la tension qui prévaut dans les CRA. Elles demandent la fermeture de tous les lieux de détention administrative des personnes étrangères.
NON AUX AUDIENCES EN VISIOCONFÉRENCE AU CRA DE RENNES !
21 avril 2021
Communiqué commun : Pour dire NON
à une justice d’exception pour les personnes étrangères, les associations et
organisations signataires appellent à une manifestation jusqu’au CRA
PAS DE JUSTICE D’EXCEPTION POUR
LES EXILÉ.E.S !
Depuis la mi-février 2021, une
salle de visioconférence, annexe de la Cité judiciaire de Rennes, est en construction
au centre de rétention administrative (CRA) de Saint-Jacques-de-la-Lande. Une
fois qu’elle sera opérationnelle, les audiences auront donc lieu sans
présentation physique des personnes au tribunal.
En France, les préfectures
peuvent enfermer les personnes étrangères sans papiers en centre de rétention
afin d’organiser leur expulsion du territoire. La durée maximale est de 90
jours. C’est un juge des libertés et de la détention qui, au 2ème jour, examine
la régularité de cet enfermement, puis autorise ou non sa prolongation après
30, 60 et 75 jours d’enfermement. Ces audiences ont lieu à la Cité judiciaire
de Rennes, elles sont publiques, les personnes étrangères y bénéficient de
l’assistance d’un avocat, et éventuellement d’un interprète.
Mais d’ici quelques semaines, ces
audiences se tiendront en visioconférence, directement depuis l’annexe composée
de « préfabriqués », jouxtant le CRA. Les raisons avancées pour justifier cette
dématérialisation sont principalement d’ordre logistique et sécuritaire,
notamment permettre de limiter les déplacements d’escortes policières, et les
risques d’évasion des personnes retenues.
Même si le recours à la
visioconférence a été légalisé par la loi asile et immigration de 2018 sous
certaines conditions (la salle d’audience doit dépendre du ministère de la
Justice et donc avoir un accès distinct et indépendant du CRA et doit être
accessible au public afin de garantir la publicité des débats), nous contestons
la mise en pratique de ces audiences.
En effet il est indéniable que
ces dernières se feront au détriment des droits des personnes étrangères car,
dans ces conditions, comment garantir le respect des droits de la défense, et
du droit au procès équitable ?
Les avocats, les interprètes
vont-ils se déplacer au centre de rétention ou bien intervenir, comme le juge,
depuis le tribunal ?
Quelle garantie de
confidentialité des échanges avec l’avocat, si la personne retenue ne peut pas
le rencontrer physiquement et que des policiers se trouvent à proximité durant
l’entretien ?
Qu’adviendra-t-il si, comme cela
se produit déjà, l’audience est entravée ou interrompue par des problèmes
techniques ?
Plus globalement, quelle
compréhension pourront avoir les personnes concernées de la situation et des
enjeux liés à ces audiences puisqu’elles ne quitteront plus matériellement
l’aire du CRA ?
Le recours à la justice par
visioconférence invisibilise encore la situation des personnes étrangères dans
les centres de rétention et fragilise toujours plus l’exercice de leurs droits.
Il remet en cause le principe/l’apparence d’indépendance et d’impartialité de
la justice, tout en éloignant du droit commun les personnes étrangères, qui
devraient pourtant pouvoir bénéficier du même accès à la justice que les
français.es.
Pour dire NON à une justice
d’exception pour les personnes étrangères, les associations et organisations
signataires appellent à une manifestation jusqu’au CRA
le samedi 24 avril 2021.
Rendez-vous à 14h30 devant L’Aire
Libre à Saint-Jacques-de-la-Lande
Prises de parole à 15h30 devant
le CRA
Organisations signataires :
Accueil réfugiés Bruz, Action Culture Entreprise, ANAFE – Association nationale d’assistance
aux frontières pour les étrangers -,
Bienvenue Rennes, CCFD Terres
Solidaires 35, La Cimade, Collectif Justice et Vérité pour Babacar
Gueye, Collectif Sans Papiers
Rennes, Droit Au Logement, Ensemble 35,
FASTI, GISTI, Groupe Logement 14/10, GT Migrants FI Rennes, la Ligue des Droits de l’Homme, MIDAF,
MRAP 35, NPA Rennes, Observatoire citoyen du CRA de Oissel,
Observatoire de l’enfermement des étrangers*, le Paria, Solidaire 35,
Sud Education 35, Syndicat de la
Magistrature, UD CGT 35, UL CGT Rennes, UL CNT 35,
Un Toit Un Droit.
*L’observatoire de l’enfermement
des étrangers est composé de :
ACAT-France, Avocats pour la
défense des droits des étrangers, Anafé, Comede, Droits d’urgence, Fasti,
Genepi, Gisti, La Cimade, Le Paria, Ligue des droits de l’homme, MRAP,
Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, réseau de visiteurs et l’observatoire
citoyen du CRA de Oissel, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la
magistrature.
70 personnes enfermées à
Roissy : bientôt un cluster dans la zone d’attente ?
Aujourd'hui, 70 personnes (dont 12 enfants et 46 demandeurs
d’asile) sont enfermées dans la zone d’attente de l’aéroport de Roissy dans des
conditions sanitaires inquiétantes, largement en-deçà des standards minimums
exigés dans le cadre de la lutte contre la crise sanitaire liée au covid-19.
C’est la première fois, depuis le début de la crise sanitaire,
qu’autant de personnes sont enfermées en même temps dans la zone d’attente de
Roissy (la plus grande de France). Depuis le début de la semaine, leur nombre a
largement augmenté, atteignant jusqu’à 85 personnes hier, 30 mars 2021.
Les conditions dans lesquelles elles sont enfermées sont
préoccupantes d'un point de vue sanitaire. En effet, les locaux de la zone
d'attente ne sont pas aérés. Le gel hydroalcoolique n’est pas en accès libre.
Les chambres, en principe individuelles, sont parfois partagées faute de place,
ce qui rend la nécessaire distanciation impossible.
Jonathan, demandeur d’asile sri-lankais, est
obligé de partager sa chambre depuis 9 jours avec une autre personne car il y a
plus de personnes en zone d’attente que de chambres disponibles.
Aucune désinfection, notamment des téléphones et des couloirs
exigus, n'est - a priori - mise en œuvre alors que ceux-ci sont très largement
utilisés par les personnes enfermées. Certaines personnes portent le masque
avec lequel elles ont voyagé pendant plusieurs jours.
Gisèle, reconnue réfugiée en Grèce, est arrivée à Roissy il y a 3
jours. Ce n’est qu’hier qu’elle a pu changer son masque, ignorant qu’elle avait
la possibilité de s’en procurer avant.
Il semble que les autorités fassent fi des règles qui permettent
de protéger les personnes en dehors de la zone d’attente. Apparemment ces
règles ne s’appliquent pas en zone d’attente, alors que des personnes qui ont
été testées positives ont pu y être enfermées.
Après deux jours en zone d’attente, et afin de le renvoyer vers le
Burkina-Faso, Ali, résident italien, a été soumis à un test PCR. En raison d’un
résultat positif, il est admis sur le territoire et isolé chez son frère. Les
autres personnes maintenues en zone d’attente en même temps que lui n’ont pas
été testées.
Depuis le début de la pandémie du covid-19, l’Observatoire de
l’enfermement des étrangers suit l’évolution de la situation juridique et
sanitaire des personnes bloquées aux frontières et notamment à l’aéroport de
Roissy, dénonce les conditions dans lesquelles les personnes sont enfermées sans
respect des conditions sanitaires, milite auprès des autorités pour la
fermeture de ces lieux où les conditions sanitaires ne peuvent être respectées
et alerte les instances de protection des droits humains.
L’Observatoire de l’enfermement des étrangers s’indigne donc à
nouveau du traitement réservé aux personnes étrangères dans les zones d’attente
par le ministère de l’intérieur qui privilégie le contrôle, l’enfermement et le
renvoi, au détriment de leur santé, et de la protection de toutes et tous contre
le covid-19.
Cette situation rappelle que la seule solution est la fin de
l’enfermement des personnes.
Organisations
signataires :
ACAT-France,
Avocats pour la défense des droits des étrangers, Anafé, Comede, Droits
d’urgence, Fasti, Genepi, Gisti, La Cimade, Le Paria, Ligue des droits de
l'homme, MRAP, Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, réseau de visiteurs et
l'observatoire citoyen du CRA de Oissel, Syndicat des avocats de France,
Syndicat de la magistrature.
Non à la construction de 4 centres de rétention administrative !
Selon les informations recueillies par les
organisations membres de l’OEE auprès des autorités, le ministère de
l’intérieur a décidé et budgété la construction de 4 centres de rétention
administrative (CRA) supplémentaires en France.
Les murs du premier ont déjà émergé de terre à Lyon et
permettront d’enfermer jusqu’à 140 personnes à partir de 2022. La construction
du second, de 90 places, est programmée à Olivet, commune jouxtant Orléans, et
son ouverture est prévue en 2023. Deux autres CRA sont en projet pour 2025 au
Mesnil-Amelot (64 places) et à Bordeaux (140 places).
La France se distingue déjà avec une politique très
développée et répressive d’enfermement des personnes étrangères visées par une
expulsion. Chaque année, près de 50 000 personnes subissent cette
privation de liberté traumatisante et marquée par de nombreuses violations de
leurs droits.
Avec 434 places supplémentaires, la construction de
ces 4 nouveaux CRA conduirait à une augmentation sans précédent de la taille de
la machine à expulser. S’ajoutant à celles déjà créées ces deux dernières
années, le nombre de places en rétention dans l’hexagone en serait ainsi doublé,
passant de 1069 en 2017 à 2157.
Les CRA sont la face la plus explicite et brutale de
la politique de mise à l’écart des personnes étrangères en France. L’OEE, qui
dénonce depuis sa création la banalisation de l’enfermement administratif et de
la pénalisation du séjour irrégulier comme mode de gestion des personnes
étrangères, appelle le gouvernement à renoncer à la construction de ces 4 CRA
ainsi qu’à fermer l’ensemble de ceux déjà en fonction dans l’hexagone comme
outre-mer. Et invite à se mobiliser en réponse à l’appel à manifester d’organisations
orléanaises le 27 mars,
et lyonnaises le 10 avril.
Organisations
signataires :
ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers,
Anafé, Comede, Droit d’urgence, Fasti, Genepi, Gisti, La Cimade, Le Paria,
Ligue des droits de l'homme, MRAP, Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, réseau
de visiteurs et l'observatoire citoyen du CRA de Oissel, Syndicat des avocats
de France, Syndicat de la magistrature.
Refus d’assistance médicale et juridique aux personnes exilées enfermées à la frontière franco-italienne : le tribunal administratif de Marseille sanctionne à son tour l’administration ALERTE PRESSE Le 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a sanctionné le refus opposé à nos associations de porter une assistance médicale et juridique aux personnes exilées enfermées illégalement dans le local attenant au poste de la police aux frontières (PAF) de Montgenèvre. Considérant que cet espace ne peut constituer un local de « mise à l’abri », le juge des référés vient s’inscrire dans la lignée de la décision du 30 novembre dernier du tribunal administratif de Nice. Le 16 octobre 2020, des représentantes de l’Anafé et de Médecins du Monde se sont présentées aux locaux de la PAF de Montgenèvre afin d’apporter assistances juridique et médicale aux personnes y étant enfermées. Au prétexte d’une « mise à l’abri » de ces personnes, l’accès leur a été refusé par la PAF de Montgenèvre puis par la préfecture des Hautes-Alpes. Saisi de ce refus, le tribunal administratif de Marseille a demandé à l’administration de réexaminer la demande d’accès des associations dans ces locaux où les personnes sont placées sous la contrainte de la police aux frontières. Il s’est en outre prononcé sur cette pratique de privation de liberté à la frontière franco-italienne, organisée par l’Etat français. Reconnaissant qu’il ne peut être soutenu que le local en question soit un local de « mise à l’abri » dans le cadre de procédures de refus d’entrée par la préfecture des Hautes-Alpes, le juge des référés suspend le refus d’accès opposé à nos associations. Mais il va au-delà : reprenant la décision du Conseil d’Etat du 27 novembre dernier, il rappelle que « un refus d’entrée ne peut être opposé à un étranger qui a pénétré sur le territoire en franchissant une frontière intérieure terrestre ». En confirmant l’illégalité des pratiques de l’administration à la frontière franco-italienne, que nos associations ne cessent de dénoncer, cette décision pose les bases d’une reconnaissance de l’illégalité de la privation de liberté des personnes exilées à cette frontière. Au lendemain de cette décision, une délégation d’élus et d’associations a assisté à l’interpellation, dans la neige, d’environ 25 personnes exilées, dont 2 femmes enceintes, 3 enfants en bas âge, 3 mineurs isolés, des familles, des personnes en détresse respiratoire… L’ensemble de ces personnes ont fait l’objet de procédures de refus d’entrée. Si 19 d’entre elles ont pu être prises en charge par les sapeurs-pompiers et conduites à l’hôpital de Briançon, 5 autres ont été refoulées vers l’Italie, après plusieurs heures d’enfermement au poste de la police aux frontières de Montgenèvre. Parmi elles, trois personnes avaient déclaré souhaiter demander l’asile en France, en présence de deux élus qui se trouvaient à l’intérieur du poste. Après leur refoulement en Italie (en violation du principe de non-refoulement et de la jurisprudence du Conseil d’Etat du 8 juillet 2020), ces trois personnes ont de nouveau tenté d’entrer en France pour y demander l’asile, empruntant, cette fois-ci, un passage plus risqué. Elles ont été secourues par les secours en montagne samedi 12 décembre, en soirée, avant d’être transférées à l’hôpital où elles ont passé la nuit. Si les récentes décisions du Conseil d’Etat et des tribunaux administratifs de Nice et de Marseille permettent d’ouvrir une nouvelle voie à la reconnaissance et à la sanction des violations quotidiennes des droits des personnes exilées à la frontière franco-italienne, nos associations appellent désormais à ce qu’elles se traduisent dans les faits. Il faut que cessent, enfin, ces pratiques qui violent les droits et mettent en danger la vie de nombreuses personnes, chaque jour, aux frontières françaises. Complément d’information Depuis juin 2015, nos associations constatent et dénoncent des pratiques illégales d’enfermement de personnes exilées par l’administration française à la frontière franco-italienne. Chaque jour, à la suite de contrôles discriminatoires et de procédures expéditives de refus d’entrée, des dizaines de personnes sont enfermées dans des constructions modulaires attenantes aux postes de la PAF de Menton et de Montgenèvre, pendant plusieurs heures quand ce n’est pas toute la nuit voire plus et ce, dans des conditions indignes : constructions de quelques mètres carrés sans isolation, pas de couverture, pas de possibilité de s’allonger, pas ou peu de nourriture ni d’eau, conditions d’hygiène déplorables, promiscuité forte entre toutes les personnes (familles, adultes, enfants, hommes et femmes). En 2017, le Conseil d’Etat avait refusé de sanctionner ces pratiques, estimant qu’elles pouvaient être justifiées tant que la durée de privation de liberté ne dépassait pas une durée dite « raisonnable » de moins de 4 heures. Pourtant, le constat de nos associations demeure le même : la privation de liberté quotidienne de dizaines de personnes, pour des durées régulièrement supérieures à 4 heures et dans des conditions indignes. En dehors de tout cadre légal, cette privation de liberté échappe donc au contrôle juridictionnel et se déroule toujours dans la plus totale opacité. Depuis fin 2019, plusieurs élus se sont vu refuser l’accès à ces locaux (alors qu’ils pouvaient y accéder jusqu’alors) au motif que ceux-ci ne seraient pas des locaux de privation de liberté mais, au contraire, de « mise à l’abri » pour la « sécurité » des personnes exilées. En septembre et octobre 2020, des représentantes de l’Anafé et de Médecins du Monde se sont donc présentées aux locaux de la PAF de Menton et de Montgenèvre afin d’apporter assistance juridique et médicale aux personnes y étant « mises à l’abri ». Or, au motif même de la « mise à l’abri » de ces personnes, l’accès leur a été refusé. Les 18 et 21 novembre dernier, nos associations ont donc saisi les juges des tribunaux administratifs de Nice et de Marseille afin qu’ils se prononcent sur le droit d’accès des associations dans les lieux privatifs de liberté aux postes de la PAF de Menton pont Saint-Louis et de Montgenèvre. Vous avez dit « mise à l’abri » ? La réalité vécue par des personnes étant passées par ces locaux et ayant témoigné auprès de nos associations de ce qu’elles ont subi apparaît clairement très éloignée de ce que supposerait l’idée d’un « abri ». Le 8 octobre 2020, Maya*, ressortissante ivoirienne, témoignait de sa privation de liberté de plus de 14h avec ses deux enfants âgés de 3 et 5 ans au niveau du poste de la PAF de Menton. Privée de liberté avec plus de 17 autres personnes, hommes et femmes confondus, dans un petit espace, sans aucun respect des normes de protection sanitaire possible, elle n’a, de plus, reçu aucune nourriture et a témoigné de l’état déplorable des sanitaires. En 2019, Alpha*, ressortissant nigérian âgé de 17 ans, témoignait avoir été enfermé dans la nuit du 27 au 28 mai 2019 dans les constructions modulaires attenantes à la PAF de Menton, pendant plus de dix heures. Une dizaine d’adultes étaient enfermés en même temps que lui, dans des conditions exécrables avec des toilettes inutilisables. Il aurait pourtant déclaré sa minorité et exprimé son souhait de demander l’asile en France, sans que cela ne soit pris en compte par les forces de l’ordre. En 2018, Omar*, ressortissant ivoirien, âgé de 20 ans, témoignait de sa privation de liberté dans les locaux de la PAF de Montgenèvre de 18h à 7h du matin, dans la nuit du 3 au 4 septembre, sans nourriture ni eau. Ce ne sont que quelques exemples parmi des centaines…
Pour suivre la campagne contentieuse : #DetentionArbitraire *Afin de veiller à la confidentialité et l’anonymat des personnes, les prénoms ont été modifiés.
Associations signataires : Anafé – Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers Organisations membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers : ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Anafé, Comede, Droits d’urgence, Fasti, Genepi, Gisti, La Cimade, Le Paria, Ligue des droits de l'Homme, MRAP, Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, Observatoire du CRA de Oissel, Syndicat des avocats de France (SAF), Syndicat de la magistrature (SM) Alliance-DEDF (Alliance des avocats et praticiens du droit des étrangers pour la défense des droits fondamentaux) Roya citoyenne Tous Migrants
Associations co-signataires : AdN (Association pour la démocratie à Nice) ASGI Emmaüs France Emmaüs Roya Kesha Niya Kitchen We world ALERTE PRESSE Refus d’assistance médicale et juridique aux personnes exilées enfermées à la frontière franco-italienne : le tribunal administratif de Nice sanctionne l’Etat Le 30 novembre 2020, le tribunal administratif de Nice a sanctionné le refus opposé à nos associations de porter une assistance médicale et juridique aux personnes exilées enfermées dans les locaux attenants au poste de la police aux frontières (PAF) de Menton pont Saint-Louis. Le juge des référés considère que cette décision porte une atteinte grave au principe de fraternité consacré par le Conseil constitutionnel et laisse entendre qu'il existe un doute sérieux sur la légalité des privations de liberté infligées aux personnes exilées à la frontière italienne, que nos associations ne cessent de dénoncer. Le 15 septembre 2020, des représentantes de l’Anafé et de Médecins du Monde se sont présentées aux locaux de la PAF de Menton afin d’apporter assistance juridique et médicale aux personnes y étant enfermées. Au prétexte d’une « mise à l’abri » de ces personnes, l’accès leur a été refusé par la PAF de Menton puis par la préfecture des Alpes-Maritimes. Saisi de ce refus d’accès, le tribunal administratif de Nice s’est prononcé sur cette pratique de privation de liberté à la frontière franco-italienne, organisée par l’Etat français. Reconnaissant que « quotidiennement, de nombreuses personnes sont retenues dans ces locaux munis de système de fermeture et de surveillance vidéo, dans des conditions précaires, pour de nombreuses heures, notamment la nuit lorsque le poste de police italien est fermé, qu’elles sont mises dans l’impossibilité de partir librement de ces locaux et d’obtenir au cours de la période de « maintien » une assistance médicale, juridique ou administrative d’associations », la juge des référés ordonne la suspension du refus d’accès opposés aux associations et enjoint la préfecture des Alpes-Maritimes à l’examiner de nouveau, dans un délai 30 jours. Le tribunal administratif de Nice vient ainsi ouvrir une nouvelle voie à la condamnation et à la sanction des pratiques illégales de l’administration française à la frontière franco-italienne. Cette décision s’inscrit dans la lignée de celle rendue par le Conseil d’Etat le 27 novembre dernier, qui a annulé les dispositions qui permettent à l’administration de notifier des refus d’entrée aux personnes interpellées aux frontières intérieures terrestres, et dans une borne de 10 km en deçà, dans un contexte de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures. En reprenant la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, cette décision confirme l’illégalité des pratiques de l’administration française aux frontières intérieures, que nos associations dénoncent depuis 5 ans. Déjà, en juillet dernier, le Conseil d’Etat avait reconnu les violations quotidiennes au droit d’asile à la frontière franco-italienne. Illégalité des refus d’entrée, violation du droit d’asile, détention arbitraire à la frontière franco-italienne : nos associations appellent désormais le tribunal administratif de Marseille, saisi du refus d’assistance médicale et juridique et des pratiques d’enfermement au poste de la PAF de Montgenèvre, à se prononcer dans le même sens que celui de Nice. Il faut que cessent enfin les violations des droits à la frontière franco-italienne.
Complément d’information Depuis juin 2015, nos associations constatent et dénoncent des pratiques illégales d’enfermement de personnes exilées par l’administration française à la frontière franco-italienne. Chaque jour, à la suite de contrôles discriminatoires et de procédures expéditives de refus d’entrée, des dizaines de personnes sont enfermées dans des constructions modulaires attenantes aux postes de la PAF de Menton et de Montgenèvre, pendant plusieurs heures quand ce n’est pas toute la nuit voire plus et ce, dans des conditions indignes : constructions de quelques mètres carrés sans isolation, pas de couverture, pas de possibilité de s’allonger, pas ou peu de nourriture ni d’eau, conditions d’hygiène déplorables, promiscuité forte entre toutes les personnes (familles, adultes, enfants, hommes et femmes). En 2017, le Conseil d’Etat avait refusé de sanctionner ces pratiques, estimant qu’elles pouvaient être justifiées tant que la durée de privation de liberté ne dépassait pas une durée dite « raisonnable » de moins de 4 heures. Pourtant, le constat de nos associations demeure le même : la privation de liberté quotidienne de dizaines de personnes, pour des durées régulièrement supérieures à 4 heures et dans des conditions indignes. En dehors de tout cadre légal, cette privation de liberté échappe donc au contrôle juridictionnel et se déroule toujours dans la plus totale opacité. Depuis fin 2019, plusieurs élus se sont vu refuser l’accès à ces locaux (alors qu’ils pouvaient y accéder jusqu’alors) au motif que ceux-ci ne seraient pas des locaux de privation de liberté mais, au contraire, de « mise à l’abri » pour la « sécurité » des personnes exilées. En septembre et octobre 2020, des représentantes de l’Anafé et de Médecins du Monde se sont donc présentées aux locaux de la PAF de Menton et de Montgenèvre afin d’apporter assistance juridique et médicale aux personnes y étant « mises à l’abri ». Or, au motif même de la « mise à l’abri » de ces personnes, l’accès leur a été refusé. Les 18 et 21 novembre dernier, nos associations ont donc saisi les juges des tribunaux administratifs de Nice et de Marseille afin qu’ils se prononcent sur le droit d’accès des associations dans les lieux privatifs de liberté aux postes de la PAF de Menton pont Saint-Louis et de Montgenèvre. Vous avez dit « mise à l’abri » ? La réalité des personnes étant passées par ces locaux et ayant témoigné auprès de nos associations de ce qu’elles ont subi apparaît clairement très éloignée de ce que supposerait l’idée d’un « abri ». Le 8 octobre 2020, Maya*, ressortissante ivoirienne, témoignait de sa privation de liberté de plus de 14h avec ses deux enfants âgés de 3 et 5 ans au niveau du poste de la PAF de Menton. Privée de liberté avec plus de 17 autres personnes, hommes et femmes confondus, dans un petit espace, sans aucun respect des normes de protection sanitaire possible, elle n’a, de plus, reçu aucune nourriture et a témoigné de l’état déplorable des sanitaires. En 2019, Alpha*, ressortissant nigérian âgé de 17 ans, témoignait avoir été enfermé dans la nuit du 27 au 28 mai 2019 dans les constructions modulaires attenantes à la PAF de Menton, pendant plus de dix heures. Une dizaine d’adultes étaient enfermés en même temps que lui, dans des conditions exécrables avec des toilettes inutilisables. Il aurait pourtant déclaré sa minorité et exprimé son souhait de demander l’asile en France, sans que cela ne soit pris en compte par les forces de l’ordre. En 2018, Omar*, ressortissant ivoirien, âgé de 20 ans, témoignait de sa privation de liberté dans les locaux de la PAF de Montgenèvre de 18h à 7h du matin, dans la nuit du 3 au 4 septembre, sans nourriture ni eau. Ce ne sont que quelques exemples parmi des centaines… Pour suivre la campagne contentieuse : #DetentionArbitraire *Afin de veiller à la confidentialité et l’anonymat des personnes, les prénoms ont été modifiés. Associations signataires : Anafé – Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers Médecins du Monde Organisations membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers : ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Anafé, Comede, Droits d’urgence, Fasti, Genepi, Gisti, La Cimade, Le Paria, Ligue des droits de l'homme, MRAP, Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, Observatoire du CRA de Oissel, Syndicat des avocats de France (SAF), Syndicat de la magistrature (SM) Alliance-DEDF (Alliance des avocats et praticiens du droit des étrangers pour la défense des droits fondamentaux) Roya citoyenne Tous Migrants
Associations co-signataires : AdN (Association pour la démocratie à Nice) ASGI Emmaüs France Emmaüs Roya Kesha Niya Kitchen We world
Communiqué de presse – 8 juillet 2020
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Rétention : la justice se rend à l’intérieur
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Les personnes étrangères enfermées dans les centres de rétention administrative payent le prix fort d’une justice dégradée dans les conditions dérogatoires de l’état d’urgence sanitaire : à Hendaye et Oissel des audiences illégales sont organisées dans des lieux de police. Ces pratiques contraires aux grands principes de la justice s’inscrivent dans le contexte d’une politique d’expulsion qui prévoit de les développer durablement.
Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, les ordonnances du 25 mars puis du 20 mai 2020 prévoient une organisation dérogatoire de l’ensemble du fonctionnement de la justice [1], avec la possibilité de statuer à juge unique, de réduire la publicité des audiences, d’utiliser un moyen de télécommunication audiovisuelle et même d’entendre les parties par téléphone, voire de ne pas tenir d’audience pour certaines procédures.
Si la plupart de ces dispositions sont à la discrétion des magistrat·e·s, la majorité des personnes étrangères en rétention sont, depuis le début de l’état d’urgence sanitaire, jugées à distance, par visioconférence, par téléphone voire sans audiences.
Les conséquences sont désastreuses pour la défense des droits. Une bonne partie de ces personnes ne maîtrisent pas le français et comparaissent ainsi sans pouvoir comprendre correctement les propos exprimés. La mauvaise qualité des transmissions audiovisuelles, l’absence, parfois, d’interprète, ou l’impossibilité de voir toutes les parties, nuisent fortement au respect du principe d’un procès équitable. La préparation de la défense entre avocat·e·s à distance et personnes enfermées est souvent réduite à quelques minutes. L’utilisation de salles en principe destinées aux entretiens par visioconférence avec l’OFPRA, situées au cœur des centres de rétention, à proximité desquelles se tient la police aux frontières, ne permet pas de garantir la confidentialité des échanges. La publicité des audiences est grandement affectée par ces dispositifs.
À Oissel et Hendaye, les juridictions judiciaires organisent des audiences illégales situées dans des lieux de police.
Fin 2019, la cour d’appel de Pau avait déjà tenu des audiences par visioconférence dans les locaux du commissariat de police d’Hendaye situés dans la même enceinte que le CRA, avant d’abandonner ce procédé illégal dénoncé par de nombreuses organisations. Le 22 juin, à la réouverture du CRA dont l’activité était suspendue depuis mars, cette pratique a repris.
Dans le même temps, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen tenait audience alors que les personnes enfermées se trouvaient dans une petite salle située au sein de l’école de police de Oissel qui dépend du ministère de l’intérieur.
Dans les deux cas des entraves sont constatées pour l’accès du public, ou la transmission des informations et des pièces entre les parties, portant gravement atteinte aux droits de la défense, à un procès équitable et à la publicité des débats.
Dans le contexte d’une politique générale qui ne donne pas les moyens suffisants à la justice pour qu’elle fonctionne correctement, et bien au-delà des réelles contraintes de l’état d’urgence sanitaire, les droits des personnes étrangères en rétention sont en passe d’être durablement sacrifiés au prétexte de la réalisation d’économies qui sont loin d’être toujours démontrées. Cette évolution conduit essentiellement à renforcer la politique répressive menée en matière d’expulsion.
En effet, après la création de salles d’audiences délocalisées à côté des CRA (Mesnil-Amelot, Marseille), le gouvernement compte multiplier ces lieux où la justice est rendue de façon dégradée.
Dans les CRA de Rennes, Toulouse, Lyon et Mayotte des projets de construction sont en cours, avec des bâtiments jouxtant ces lieux de privation de liberté, voire situés sur leur parking. Les personnes y seront jugées par le truchement d’une caméra, à distance des juges, de leur conseil, voire de leur interprète.
Le fonctionnement dérogatoire prévu par l’état d’urgence sanitaire conduit au constat que de telles conditions ne sont pas appropriées à juger dignement des personnes dont le destin est en jeu, souvent précarisées, et dont un grand nombre n’est pas francophone.
Nos organisations demandent au ministère de la justice l’abandon immédiat des pratiques illégales constatées à Hendaye et Oissel ainsi que d’une politique visant à développer et pérenniser une justice au rabais pour les personnes enfermées en rétention menacées d’expulsion.
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[1] En application pour la justice un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, soit le 10 août, sauf pour la Guyane et Mayotte ou l’EUS est prolongé jusqu’à fin octobre en première lecture à l’assemblée le 17 juin.
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Tribune : Coronavirus :
« Sauvegardons les droits fondamentaux pendant la crise sanitaire »
États
généraux des migrations de Rouen
Pétition pour la
fermeture du Centre de Oissel et de tous les CRA
https://www.change.org/p/préfecture-de-la-seine-maritime-fermeture-des-centres-de-rétention-administrative?recruiter=53558144&utm_source=share_petition&utm_medium=facebook&utm_campaign=psf_combo_share_abi&utm_term=psf_combo_share_initial&recruited_by_id=18787ef0-b617-0130-ea69-3c764e04873b&utm_content=fht-21414836-fr-fr%3Av8
Fermez les Centres de Rétention !
https://www.change.org/p/emmanuel-macron-fermez-les-centres-de-rétention-557ca213-75a5-4c64-9710-bbbf9bb288fd
Communiqué des retenus
du CRA du Mesnil-Amelot, 12 avril
Val-de-Marne :
la préfecture viole le droit d’asile
ACAT, ANAFE, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), COMEDE, Droits d’urgence, FASTI, Genepi, GISTI, La Cimade, Ligue des droits de l’homme, MRAP, Observatoire citoyen du CRA de Palaiseau, Syndicat des avocats de France (SAF)
16 octobre 2017
Le 27 septembre 2017, la Cour de cassation rendait un arrêt remarqué dont la solution conduit à invalider le placement en rétention administrative de nombreux demandeurs d’asile devant être renvoyés dans le premier pays d’Europe par lequel ils avaient transité, en application du règlement de Dublin.
Le répit sera toutefois de courte durée. Dans le même temps, une amplification de la politique du rejet et de l’éloignement se trame en coulisse. Au delà des discours, elle se manifeste tous azimuts.
Par l’élargissement, presque illimité, des possibilités de contrôle d’identité frontalier dans le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dont le champ géographique est étendu, tout comme la durée, passant de six heures à douze heures consécutives. La prévention de la criminalité transfrontalière sert de prétexte fort commode à cette extension incontrôlée : l’affirmation textuelle de cet objectif est de pure forme et sera vite éclipsée par les pratiques et leurs motivations évidentes, faire du chiffre migratoire.
Par la banalisation sans précédent de l’enfermement des étrangèr-e-s en situation irrégulière, qui constituerait l’une des mesures phares du projet de loi relatif à l’immigration à venir, selon l’AFP. Passant à 90 jours, voire à 135 jours en cas d’obstruction, la durée de la rétention administrative atteindrait des sommets inégalés, plus du triple de ce qu’elle était avant 2011 Le texte viserait également à contrer les effets de la jurisprudence précitée concernant les « dublinés » et à renvoyer dans des pays « tiers sûrs » un nombre important de demandeurs d’asile.
Après le drame de Marseille, Gérard Collomb vient également d’annoncer la création de 200 places supplémentaires en centre de rétention et le renforcement des services des étrangers des préfectures pour systématiser l’enfermement dans un amalgame scandaleux entre étrangèr-e-s en situation irrégulière et terroristes.
Par le développement de nouveaux dispositifs facilitant l’expulsion. La lecture du projet de loi de finances pour 2018 nous apprend la création de centres d’assignation à résidence près des aéroports et la généralisation de centres de retour un peu partout en France.
L’observatoire de l’enfermement des étrangers s’insurge contre cette quête obsessionnelle de l’enfermement des exilés, sur la seule base du caractère irrégulier de leur séjour en France. La précipitation avec laquelle ce gouvernement expulse et amplifie les dispositions passées sans discernement au nom de présupposés idéologiques, mérite la plus ferme dénonciation, afin que ce funeste brouillon ne serve de trame aux projets de lois annoncés.
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Prétendant « doser accueil des réfugiés et fermeté », le ministre annonce « une mobilisation de nos forces, de nos préfets pour interpeller davantage, faire des procédures et placer ceux qui doivent l'être en rétention », ajoutant qu'il entend « optimiser les capacités de rétention administrative ». Il s’agit d’enfermer pour tenter d’expulser toujours plus de migrants, une fois le tri effectué entre les présumés demandeurs d’asile et les autres.
Cette opposition de principe entre deux catégories figées, migrants économiques ou réfugiés, traduit une vision binaire réductrice et simpliste de la réalité des mouvements migratoires actuels. Elle conduit à faire subir à des milliers de personnes la violence de l’enfermement et d’une expulsion, ou de sa menace, au détriment de leurs droits fondamentaux et ne répond manifestement pas aux défis posés par les questions migratoires en France et en Europe aujourd’hui.
Flagrante illustration des abus et de l’absurdité de cette politique, des Érythréens, des Soudanais, des Afghans sont quotidiennement interpellés puis conduits de force en centres de rétention. Dernier épisode en date, le placement en rétention d’une quarantaine de ces ressortissants arrêtés à Calais jeudi 18 juin. Réfugiés en puissance, certains cherchent asile ailleurs qu’en France, d’autres n’ont pas pu déposer de demande avant leur interpellation. Ces tentatives d’expulsion sont vouées à la condamnation désormais habituelle des juridictions administratives, judiciaires ou de la Cour européenne des droits de l’homme. Ces personnes seront sans doute relâchées après avoir subi une privation de liberté abusive et la perspective angoissante d’une expulsion vers leur pays. Pour rien.
Nous sommes loin des assurances du gouvernement qui parle de mesures prises « dans le strict respect des droits et du droit de ceux qui ont été poussés sur les chemins de l’exode »
13 mars 2013
Pénalisation des étrangers : « tout changer pour que rien ne change » ?
- Pour pallier la suppression du délit de séjour irrégulier, des infractions demeurent ou sont mises en place. C’est ainsi que l’article L. 621-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) prévoit toujours la répression de l’entrée irrégulière et que la loi du 31 décembre 2012, reprenant d’une main ce qu’elle donne de l’autre, introduit une infraction de résistance passive à une mesure d’éloignement ou d’assignation à résidence (nouvel alinéa 1 ajouté à l’article L. 624-1 du Ceseda) : une façon de ne pas heurter de front la jurisprudence de la Cour de Luxembourg ;
- La garde à vue des étrangers, rendue impraticable du fait de la dépénalisation du séjour irrégulier, est remplacée par une mesure de retenue administrative qui en est la copie quasi conforme : les services de police peuvent continuer de remplir les centres de rétention et les salles d’embarquement en tout confort.
- Le décret n° 87-249 du 8 avril 1987 portant création du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) n’autorise que l’enregistrement de données destinées à permettre l’identification d’auteurs de crimes ou délits ; il est donc en toute logique devenu inutilisable pour identifier les étrangers en situation de séjour irrégulier. Qu’à cela ne tienne, le ministère de l’intérieur prépare un décret élargissant l’objet du FAED, qui permettra de continuer à traiter leurs empreintes comme s’il s’agissait de délinquants ;
- Les dépenses médicales et d’interprétariat engagées dans le cadre des nouvelles mesures de retenue administrative ne peuvent plus constituer des frais de justice, car ne se rattachant plus à la recherche d’auteurs d’infraction ; le ministère de la justice demandait donc que la logique budgétaire soit respectée et que le ministère de l’intérieur les prenne en charge. Matignon a pourtant tranché : ces dépenses continueront d’être imputées sur les frais de justice correctionnelle.
Si, d'un côté, le gouvernement restreint le champ d'application du délit de solidarité – sans toutefois l'abroger - de l'autre côté il crée une nouvelle mesure de rétention à destination exclusive des étrangers, se substituant à la garde à vue et destinée à faciliter, comme elle, la traque des sans papiers puis leur expulsion.
Cette garde à vue « bis » qui ne dit pas son nom n'a pas d'autre objet que de rétablir au plus vite le niveau de performance atteint par le précédent gouvernement dans les procédures de reconduite à la frontière, alors que leur « rendement » a été temporairement atténué par les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne puis de la Cour de cassation interdisant l'emprisonnement des étrangers en séjour irrégulier. Si les objectifs d'expulsions ne sont plus chiffrés, la mise en place, en urgence, de ce nouveau dispositif d 'enfermement « ad hoc » confirme qu'ils demeurent inchangés.
Et comme pour mieux souligner que rien ne change non plus « sur le terrain », c'est ce même vendredi 28 septembre que des parents afghans et leurs deux enfants, dont l'un âgé de trois mois, ont été interpellés dans l'hôtel où ils avaient été assignés à résidence et placés dans le centre de rétention du Mesnil Amelot dans l'attente d'un renvoi imminent en Hongrie. C'est en effet par ce pays qu'ils étaient entrés dans la forteresse Europe, fuyant le chaos afghan vers lequel ils courent le risque d'être rejetés - le cas échéant après avoir été détenus plusieurs mois pour la seule raison qu'ils demandent l'asile -, la Hongrie étant cataloguée comme pays « non sûr » pour les demandeurs d'asile.
Avec ce placement en rétention, cette famille afghane inaugure à ses dépens l'application de la circulaire du ministre de l'intérieur du 6 juillet 2012 relative à « la mise en œuvre de l'assignation à résidence ... en alternative au placement des familles en rétention administrative » !
Un avis médical ayant déclaré l'état des deux enfants incompatible avec cette rétention, l'administration de Manuel Valls n'a pas faibli pour autant : la famille était de nouveau assignée à résidence mais, cette fois, sous une garde policière si nombreuse et si rapprochée qu'elle subissait un isolement plus drastique encore que dans un centre de rétention.
Le ministre de l'intérieur aura donc inventé, le même jour, la garde à vue se substituant à la garde à vue et la rétention se substituant à la rétention.
Donner aux services de police et aux préfectures tous les moyens juridiques et administratifs d'une politique dite « de fermeté », réputée payante, telle semble être l'obsession qui conduit ce gouvernement à un acharnement consternant.
L'empilement des dispositifs d'enfermement, l'addition des procédures inhumaines et la caution donnée au rejet de l'étranger n'ont jamais fait et ne feront jamais le socle d'une politique respectable et responsable.
Pourtant, un mois et demi après son élection à la Présidence de la République, François Hollande n’a pas complètement honoré sa promesse électorale. La semaine dernière, des mineurs, parfois de moins de dix ans, étaient encore enfermés - avec ou sans leurs familles - à la frontière comme sur le reste du territoire français , au mépris de leurs droits. Si depuis 10 jours cette pratique a cessé en métropole, elle reste massive et quotidienne à Mayotte.
Le ministre de l’Intérieur annonce qu’une circulaire va être adressée aux Préfets pour mettre un terme à ces pratiques.
Mais selon Mediapart, Mayotte risque d’être exclue de cette circulaire, devenant le seul département français où l’enfermement des enfants serait encore possible.
Pourtant, la situation est proprement scandaleuse dans cette île lointaine, 101ème département français . Pas moins de 5 389 enfants y ont ainsi été privés de liberté en 2011 dans un centre de rétention jugé inhumain et dégradant . Cette situation est aggravée par un régime juridique spécifique à l’outremer qui rend quasiment impossible tout recours efficace à un juge pour contester ces décisions administratives.
En métropole, nombreuses sont par ailleurs les stratégies de contournement déployées par l’administration pour faire primer la répression sur la protection des enfants : leur minorité trop souvent contestée par une expertise osseuse approximative permet ainsi leur renvoi forcé, et des familles sont séparées du fait de la décision de certaines préfectures d’enfermer et d’éloigner un seul parent.
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Organisations membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers :
ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Anafé, Comede, Emmaüs France, Fasti, Gisti, La Cimade, Ligue des droits de l'homme, MRAP, Revue Pratiques, Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, Syndicat des avocats de France (SAF), Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat de la médecine générale (SMG)
Organisations membres de Migrants Outremer :
ADDE : avocats pour la défense des droits des étrangers/AIDES/ CCFD : Comité catholique contre la faim et pour le développement/ Cimade : service œcuménique d’entraide/ Collectif Haïti de France/ Comede : comité médical pour les exilés/ Gisti : groupe d’information et de soutien des immigrés/ Elena : les avocats pour le droit d’asile/ Ligue des droits de l’homme/ Médecins du monde/ Mrap : mouvement français contre le racisme et pour l’amitié entre les peuple/ OIP : observatoire international des prisons / Secours Catholique/ Caritas France
C’est par un raisonnement clair et implacable que la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son avis rendu le 5 juin dernier à la demande de la première chambre civile, a considéré qu’un étranger ne peut être placé en garde à vue sur le seul soupçon qu’il serait en séjour irrégulier.
Tirant toutes les conséquences de deux décisions de la Cour de justice de l’Union européenne, la chambre criminelle désavoue ainsi fermement le recours systématique à la garde à vue comme antichambre de l’expulsion du territoire.
Cet avis résonne comme un désaveu cinglant infligé à tous ceux – ministère de la Justice en tête - qui s’obstinaient à soutenir une politique d’instrumentalisation de la procédure pénale pour satisfaire des objectifs chiffrés de reconduite à la frontière.
Si, en bonne logique, la chambre civile suit maintenant cet avis, il faudra donc rompre avec cette pratique détestable et renoncer à faire de la garde à vue la salle d’attente des décisions des préfets.
L’observatoire de l’enfermement des étrangers a toujours dénoncé la banalisation de l’enfermement comme mode de « gestion des étrangers ».
Il appelle la nouvelle majorité à saisir l’occasion qui lui est ainsi donnée de mettre fin à une politique d’enfermement de ceux dont le seul délit est d’être « sans papiers » et, poursuivant dans cette logique, à dépénaliser le séjour irrégulier.
L’ouverture, en août 2011, de 40 places pour les familles et l’installation de structures d’accueil et aires de jeux dans le nouveau CRA du Mesnil-Amelot, a envoyé le signal d'une augmentation de l'enfermement des enfants programmée par le ministère de l’Intérieur. Tirés du lit au petit matin ou arrêtés avec leur père, leur mère, leurs frères et soeurs, séparés de leurs amis, privés d'école, ces enfants s’en remettront-ils ? Ils sont enfermés près des aéroports, gardés par des policiers, derrière des grillages, à chaque déplacement ils voient devant eux leurs
parents menottés.
L’enfermement des enfants et des mineurs étrangers, seuls ou avec leurs parents, heurte les principes protégés par des textes internationaux dont la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) et la Convention Internationale des Droits de l'Enfant (CIDE). Le Comité des droits de l'enfant des Nations unies rappelle régulièrement la France à l'ordre à ce sujet. En vain. Le 19 janvier 2012 la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France pour les traitements, considérés comme inhumains et dégradants, infligés à de jeunes enfants placés en rétention (CEDH Popov c/ France 19. 01. 12 n° 39472/07 et 39474/07).
Le 1er août, le plus grand centre de rétention administrative pour étrangers a ouvert à proximité de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle sur la commune du Mesnil-Amelot.
Profitant encore de la période estivale, ce véritable camp, de conception carcérale, "ouvre" désormais ses portes aux familles et donc aux enfants. En effet, ce jour, sont enfermés une mère de famille géorgienne et ses trois enfants de 5, 2 et 1 ans, tous nés en France. Alors même qu’un recours est en cours, ils ont été arrêtés à leur domicile, à Guéret dans la Creuse, le 30 août au matin. Le père, lui, n’était pas présent à ce moment-là au domicile.
Illégal car contraire à la Convention internationale des droits de l'Enfant, l'enfermement est au surplus, pour ces derniers, un véritable traumatisme, comme l'ont clairement affirmé diverses institutions indépendantes, telles le Conseil de l'Europe, la Commission nationale de déontologie de la sécurité et la Défenseure des enfants.
Arrêtés avec leur famille dans des conditions souvent violentes, arrachés brutalement à leur vie quotidienne, privés de scolarisation et d'activités, ces enfants sont aussi confrontés à l'angoisse et à la dévalorisation de leurs parents qu'ils voient menottés, entourés de policiers , présentés devant des juges, tels des délinquants.
Les associations intervenant dans les CRA auprès des familles retenues, peuvent témoigner des symptômes révélateurs d'un délabrement psychique au quotidien, causé par la rétention sur les enfants. D'autant que la durée maximale de l'enfermement a récemment été portée à 45 jours, ce qui accroît encore les risques de psychotraumatisme.
Rappelons que les centres de rétention et zones d'attente sont les seuls lieux où des enfants de moins de 13 ans peuvent être enfermés, comme si le seul fait d'être étranger rendait cette maltraitance institutionnalisée acceptable.
Récemment encore, la juridiction de Lille a sanctionné cette pratique au motif qu'elle constituait un traitement inhumain et dégradant au sens de l'article 3 de la CEDH. La Cour européenne elle-même a condamné cette pratique dans une affaire concernant la Belgique.
Les organisations signataires dénoncent la banalisation de l'enfermement administratif, et la pénalisation du séjour irrégulier comme mode de gestion des étrangers. Avec l'enfermement de ces enfants et de ceux qui suivront, c'est à la protection des plus vulnérables que le ministère de l'Intérieur s'en prend cette fois-ci, toujours dans son obsession de la politique du chiffre en matière d'expulsions.
Signataires :
- Observatoire de l'enfermement des étrangers (ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Anafé, Comede, Emmaüs France, Fasti, Gisti, La Cimade, Ligue des droits de l'homme, MRAP, Revue Pratiques, Syndicat des avocats de France (SAF), Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat de la médecine générale (SMG))
- Observatoire citoyen de la rétention 77
- Réseau éducation sans frontières (RESF)
La directive européenne 2008/115/CE, dite « retour », oblige les États à instituer de nouvelles modalités d'intervention des associations dans les centres et locaux de rétention ainsi que dans les zones d’attente. En prévoyant que « les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes ont la possibilité de visiter les centres de rétention (...) utilisés pour la rétention de ressortissants de pays tiers », son article 16.4 ouvre en effet, pour ces organisations, un droit d'accès qui n'existe pas à ce jour dans le dispositif français de la rétention.
Le délai de transposition de la directive « retour » a expiré le 24 décembre 2010. Depuis cette date, la France est en infraction à la législation européenne.
La réglementation française prévoit la présence, dans chaque centre de rétention, d'une seule association, sur la base d’une convention passée avec l'Etat et ce, pour permettre l'exercice par les étrangers des droits qui leur sont reconnus (accueil, information, soutien, aide à l'exercice de leurs droits). Depuis 2010, cette présence est assumée par cinq associations réparties dans les différents centres de rétention de France métropolitaine et des départements français d'Amérique.
Cette organisation ne satisfait pas les exigences de la directive 2008/115/CE : le fait que les étrangers retenus puissent bénéficier des « prestations d'information » fournies par les associations présentes dans les centres de rétention n'épuise pas la « possibilité de visiter les centres de rétention » ouverte aux organisations par le droit européen. Les associations doivent pouvoir accéder aux centres indépendamment de toute mission d'information ou d'assistance aux étrangers, mais bien pour visiter l’ensemble des locaux des centres, voire l'organisation de la détention à l'intérieur de ces locaux. Pour cette raison, n’est pas non plus suffisante la faculté offerte par la réglementation française à des représentants d'ONG, au même titre que toute autre personne du choix de l'étranger, de lui rendre visite dans les locaux réservés à cet effet (« salle de visite »).
Outre les centres de rétention, sont également concernés par ce nouveau droit d'accès des associations les locaux de rétention utilisés par l'administration lorsque des circonstances exceptionnelles empêchent le placement en centre de rétention (art. R. 551-3 du CESEDA). Plus largement, l’application de l'article 16 de la directive ne saurait être limitée aux seuls centres de rétention au sens strict mais désigne, bien entendu, tous les lieux où des étrangers sont retenus, notamment les zones d’attentes.
Le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité examiné en ce moment au Sénat, est l'occasion de mettre le CESEDA en conformité avec les exigences de transparence contenues dans la directive.
Rassemblées dans l'Observatoire de l'enfermement des étrangers (OEE), les associations soussignées demandent que le CESEDA soit modifié de telle sorte qu’un droit de visite effectif de tous les lieux où des étrangers sont retenus soit assuré aux associations et aux organisations internationales, comme c'est le cas pour le contrôleur général des lieux de privation de liberté.
L'OEE EST COMPOSÉ DES ORGANISATIONS SUIVANTES :
Action des chrétiens contre la torture, Avocats pour la défense des droits des étrangers, Anafé, Comede, Emmaüs France, Fasti, Gisti, La Cimade, Ligue des droits de l'homme, Mrap, SMG, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature, Secours Catholique.