Face à la crise sanitaire, l’enfermement administratif des personnes
étrangères doit immédiatement cesser
Communiqué
de presse, 18 mars 2020
Alors que dans son discours
du 16 mars, le Président de la République Emmanuel Macron appelle à faire
preuve « d’esprit solidaire et de sens des responsabilités » et à
l’heure où le pays entre dans une période de confinement, l’Observatoire de
l’enfermement des étrangers (OEE) s’alarme de voir que des personnes (hommes,
femmes, enfants) sont toujours privées de liberté dans les centres de rétention
administrative (CRA), les locaux de rétention administrative (LRA), les zones
d’attente (ZA) et les constructions modulaires du poste de police de Menton
pont Saint-Louis.
Leur libération immédiate
est une exigence absolue, tant juridique que sanitaire.
Des personnes auxquelles il
est seulement reproché de ne pas justifier de la régularité de leur entrée ou
de leur séjour en France ne peuvent être enfermées en zone d'attente ou en
rétention que le temps strictement nécessaire à l’organisation de leur départ
et à la condition expresse qu'il existe des perspectives raisonnables que ce
départ puisse être effectif à brève échéance[1].
Or, l'éloignement de ces
personnes est impossible, aujourd'hui et pour les semaines à venir et ce, pour
deux raisons. D'abord parce que la plupart des liaisons aériennes avec les pays
vers lesquels elles devaient être renvoyées ont été interrompues. Ensuite parce
que leur éloignement du territoire serait contraire aux recommandations de
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui visent à limiter les risques
d’exportation ou d’importation de la maladie.
La privation de liberté
subie par ces personnes ne répond donc pas aux conditions prévues par les
textes applicables aux droits des étrangers en France et leur est imposée en
violation de leurs droits fondamentaux.
Au plan sanitaire, la nécessité de leur libération
est tout aussi impérieuse :
- Aucune mesure satisfaisante ne semble avoir été
mise en place, ni pour les protéger ni pour protéger les personnes qui gèrent
ces lieux d'enfermement ou y interviennent quotidiennement contre les risques
de contamination ;
- Il n’existe pas, notamment, de protocole permettant
de s’assurer que tant les personnes étrangères qui arrivent en CRA, LRA et ZA
que les personnels qui y pénètrent ne sont pas porteuses du virus ;
- Les prescriptions du ministère de la santé ne
peuvent pas être respectées dans ces lieux de promiscuité, qu'il s'agisse de la
"distanciation sociale" ou des gestes barrières ;
- Les personnes enfermées ne sont pas toujours
informées des risques liés à la contamination par le Covid-19 et des mesures
mises en place par le gouvernement ;
- Enfin, l’insuffisance de l’action des pouvoirs
publics et les risques qu'elle fait courir à leurs intervenants a contraint la
plupart des associations qui apportent leur aide aux personnes étrangères en
rétention ou en zone d'attente à s'en retirer.
Depuis la semaine dernière, la situation sanitaire
gravement dégradée de ces lieux d'enfermement perdure en contradiction avec les
durcissements des mesures prises pour protéger la population à l'extérieur.
Une situation similaire se
joue actuellement dans les prisons. La Garde des Sceaux
vient d’annoncer des mesures pour éviter la propagation du virus en
restreignant tous les contacts des détenus avec l’extérieur (suspension des
parloirs et des activités socio-culturelles notamment). Cependant encore
aujourd’hui, aux centres pénitentiaires de Fresnes et de la Santé, les
personnels pénitentiaires, au contact des détenus, ne disposent ni de gants ni
de masques pour se protéger et protéger les détenus. Par ailleurs, ces derniers
ne reçoivent aucune information sur l’évolution des mesures et de la situation.
Cette mesure du ministère de la justice,
va renforcer encore un peu plus l’opacité de ces lieux, sans aucune certitude
quant au respect des droits les plus élémentaires des personnes détenues ou des
personnels.
Ainsi, la privation de
liberté des personnes étrangères dans les CRA, LRA, ZA ou autres lieux
privatifs de liberté porte gravement atteinte au principe de précaution et à
l’impératif constitutionnel de santé publique.
Prenant en compte la mise
en danger des personnes retenues comme des personnels des centres, des juges
des cours d'appel de Bordeaux, Paris et Rouen ont commencé d'assumer leurs
responsabilités en décidant de remettre en liberté des personnes dont
l’administration entendait prolonger l’enfermement.
Il serait inconcevable que
le gouvernement ne prenne pas au plus vite l'initiative d'une libération
générale et inconditionnelle de toutes les personnes étrangères privées de
liberté et ainsi particulièrement exposées au risque sanitaire.
Organisations
membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers :
ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Anafé, Comede, Droit d’urgence, Fasti, Genepi, Gisti, La Cimade, Ligue des droits de l'homme, MRAP, Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, Syndicat des avocats de France (SAF), Syndicat de la magistrature (SM)
ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Anafé, Comede, Droit d’urgence, Fasti, Genepi, Gisti, La Cimade, Ligue des droits de l'homme, MRAP, Observatoire Citoyen du CRA de Palaiseau, Syndicat des avocats de France (SAF), Syndicat de la magistrature (SM)
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